Quand l’IA remplace les RH : le cas IBM qui questionne le futur de la fonction

Depuis un certain temps, on parle d’intelligence artificielle comme d’un « game changer » pour les RH. Gain de temps, meilleure expérience candidat ou collaborateur, automatisation des tâches chronophages, entre autres. IA et fonction RH, oui, la promesse est belle. Mais trop belle peut-être…

Car derrière la course à la productivité, une question subsiste : Qu’est-ce que l’IA dit de la manière dont on perçoit la fonction RH ?

Spoiler : pas grand-chose de très valorisant.

Prenons un cas concret. Celui d’IBM. En 2023, l’entreprise a annoncé le licenciement d’environ 8 000 postes, principalement dans les fonctions support. Dont, je vous le donne en mille, les RH.

Le motif ? Ces missions allaient désormais être prises en charge par l’Intelligence Artificielle.

Seulement, un an plus tard, plot twist : IBM se met à réembaucher massivement. Mais… Pas des RH. Des développeurs, des commerciaux, des marketeurs. Des fonctions jugées par IBM comme irremplaçables, car on ne peut pas remplacer la pensée critique, la créativité, l’interaction humaine.

Oui, vous avez bien lu. Pour IBM, la RH n’est pas considérée comme une fonction créative ou humaine. Un comble non ?

Décryptage d’un cas qui en dit long sur la vision des Ressources Humaines et qui questionne sur son avenir.

Le cas IBM : et les rh alors ?

Fondée en 1911, IBM (International Business Machines) est l’un des piliers de l’industrie tech mondiale. À la fois fabricant de matériel informatique, éditeur de logiciels, expert en services IT et acteur majeur de l’IA, IBM se veut à la pointe de l’innovation.

Et c’est justement cette avance technologique qui l’a conduite à tester grandeur nature l’automatisation RH.

En effet, en 2023, la célèbre boîte décide d’automatiser jusqu’à 30 % des tâches répétitives, notamment en ressources humaines et ainsi réaliser d’importantes économies de productivité.

Dans les faits, IBM a confié 94 % des missions RH, liées à l’administratif, à un agent conversationnel :

  • Gestion des congés,
  • Traitement de la paie,
  • Documents des salariés.

Grâce à leur solution AskHR, un assistant IA conversationnel, et les nombreux postes supprimés, ils ont ainsi réussi à dégager 3,5 milliards de dollars de productivité sur plus de 70 métiers différents.

Certes, côté process, l’opération est “réussie”.

Pourtant, ce succès apparent soulève une autre interrogation : si l’Intelligence Artificielle peut remplacer les RH, qu’est-ce que ça dit (vraiment) de la fonction RH ?

La réponse fait mal : On la considère encore, dans bien des cas, comme une fonction d’exécution. Une machine à contrats. Un centre de coûts. Un silo d’obligations.

Et l’ironie dans tout ça : La RH, censée être au cœur de la transformation humaine est la première à être sacrifiée face à l’IA. Voilà qui questionne le regard porté sur les RH et les mythes qui l’entourent.

Ce que l’IA dit (vraiment) de la fonction RH

En réalité, ce que révèle ce cas IBM, ce n’est pas un progrès technologique. C’est une vision étriquée de la fonction RH. Une vision qui confond “tâches RH” et “rôle RH”.

De plus, on oublie tout ce que l’IA ne peut pas faire :

  • Déceler un non-dit,
  • Arbitrer un conflit dans les équipes,
  • Mettre en oeuvre une culture d’entreprise,
  • Concevoir une stratégie de recrutement sur-mesure,
  • Donner du sens à un parcours candidat et collaborateur.

Bref, penser RH. Et non simplement exécuter RH.

Ce qui a été automatisé chez IBM, ce n’est pas la fonction RH. Ce sont les résidus techniques d’un métier profondément humain. Finalement, l’IA ne remplace pas les compétences humaines. Elle doit même les revaloriser, à condition qu’on arrête de les invisibiliser.

De la RH exécutante à la RH stratège

Ce n’est pas nouveau : la fonction RH souffre d’un positionnement flou.
Un flou qui, d’une certaine façon, convient bien à tout le monde, sauf les RH eux-mêmes.

  • Côté dirigeants, on aime la RH discrète, qui ne prend pas trop de place.
  • Côté équipes, on la sollicite pour résoudre les problèmes, mais on critique ses lenteurs.
  • Côté RH, on jongle entre injonctions de proximité, d’innovation, de conformité, de gestion.

Et si cette affaire IBM était le symptôme d’un mal plus profond ?
On attend des RH qu’ils soient stratégiques, cependant, on ne leur en donne ni le cadre, ni la reconnaissance.

À force d’être cantonnée à l’administratif, la fonction RH finit par le devenir. Par conséquent, on finit par croire qu’un algorithme suffit. Preuve en est : IBM n’a pas réintégré les RH dans sa stratégie de réembauche. L’entreprise a préféré miser sur des profils “créatifs”, “stratégiques” et « humains », comme des marketeurs et commerciaux, comme si ces qualités n’existaient pas en RH.

Peut-être est-il alors temps de redessiner une fonction RH plus influente, plus créative, plus critique et incontournable dans les décisions stratégiques. C’est ce repositionnement-là qui peut sauver les Ressources Humaines.

Repenser la fonction RH à l’ère de l’IA

Loin de sonner le glas des RH, le virage de l’IA peut être un tournant salutaire. À condition de ne pas le subir. Le cas IBM est d’ailleurs un signal faible qui parle fort.

Non, ce n’est pas l’IA qui “vole” des postes RH. C’est la vision réductrice de la fonction RH qui les rend vulnérables. Car ce que l’IA automatise, ce sont des actions. Pas une posture. Pas une vision. Pas une relation humaine.

Si les RH ont plusieurs cartes à jouer. Lesquelles sont-elles ?

– Se repositionner là où on peut se passer de l’IA.
– Revendiquer une fonction d’influence, de sens, de lien et de vision.
– Réinvestir les dimensions humaines, créatives et critiques du métier.

Et enfin, refuser d’être le parent pauvre de la transformation digitale.

IA et fonction RH : et demain ?

L’article de jeuvideo résume parfaitement l’enjeu : « Le cas IBM pose la question de l’avenir du travail à l’ère de l’IA […] L’enjeu pour les entreprises et les salariés sera d’anticiper ces mutations, de se former et de s’adapter à un marché du travail en perpétuelle évolution. Chez IBM, l’IA n’a pas seulement supprimé des emplois : elle a obligé l’entreprise à repenser en profondeur sa stratégie RH et à réinventer les contours de l’emploi moderne. »

En d’autres termes : ce n’est pas uniquement l’emploi qui change, c’est la façon même de penser les métiers. Et à l’heure où 1 salarié sur 2 craint que son emploi soit détruit par l’IA, c’est justement l’opportunité de repenser les RH et de démontrer que la fonction n’est pas un centre de coûts, mais un centre de gravité.

Et que la valeur de la fonction RH se mesure moins à ce qu’elle automatise, qu’à ce qu’elle crée, impulse, incarne.

Alors, une question pour finir : si l’IA prenait 100 % de vos tâches, que resterait-il de votre rôle ? Et si c’était ça, le vrai sujet ?

En conclusion, ce n’est pas à l’IA de définir la fonction RH de demain. C’est aux RH de réécrire leur fiche de poste.

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