Le 21 juillet, le CSE de Monster France a publié un communiqué de presse annonçant la fermeture imminente de l’entreprise en France et en Europe. Le document pointe notamment la responsabilité sociale contestée des actionnaires, Randstad et Apollo. Cette disparition marque la fin d’une ère pour le tout premier site d’emploi au monde et soulève des questions éthiques majeures pour tout l’écosystème du recrutement.

Moins d’un an après la création d’une joint-venture entre Monster et CareerBuilder, les actionnaires Randstad (49 %) et Apollo (51 %) ont interrompu tout soutien financier à Monster Europe, rendant sa liquidation désormais inévitable. Plus de 200 salariés sont concernés par l’arrêt de l’activité du pionnier de l’emploi en ligne.
En France, Monster a accompagné des millions de chercheurs d’emploi et des milliers d’entreprises pendant plus de deux décennies. Aujourd’hui, l’entreprise n’est plus en capacité d’assurer les salaires de ses collaborateurs. Un comble. Et ni Randstad ni Apollo, deux poids lourds internationaux du secteur, ne comptent soutenir financièrement et humainement les équipes dans leur départ.
C’est le système public de solidarité financé par les employeurs français qui assumera le paiement des salaires et indemnités de départ, à la suite du retrait brutal des deux actionnaires, pourtant milliardaires.
Zoom sur les détails d’une annonce qui secoue tout le secteur RH et recrutement.
Randstad et Apollo : deux géants face à monster, aucune responsabilité assumée
En 2016, Randstad avait racheté Monster. L’entreprise est restée propriétaire à 100 % jusqu’en septembre 2024, avant de céder la majorité du capital à Apollo. Depuis, Randstad se présente comme simple “actionnaire minoritaire” (49%), affirmant ne plus avoir la main. Une configuration que les salariés perçoivent comme un montage permettant à Randstad de se délester de ses engagements sociaux.
Cette liquidation intervient alors qu’un accord d’entreprise sur les licenciements économiques, signé par Monster France sous l’égide de Randstad et valide jusqu’en 2027, prévoyait un accompagnement renforcé pour les salariés : dispositifs spécifiques pour les salariés seniors, en reconversion, créateurs d’entreprise, etc.
Seulement voilà, aujourd’hui, cet accord est ignoré. Les actionnaires refusent d’en assumer le coût, malgré les sollicitations formulées par les représentants du personnel dans une lettre adressée à Sander van’t Noordende, CEO mondial de Randstad.
La liquidation est inévitable mais aucune solution n’a été proposée : ni facilité de reclassement dans le groupe, ni accompagnement.
« Cet accord n’est pas une faveur, c’est un engagement soutenu par Randstad à l’époque où ils étaient propriétaires de Monster à 100%. Il garantissait un départ digne aux salariés en cas de licenciement économique, en contrepartie de leur fidélité malgré les multiples restructurations opérées ces dernières années. Aujourd’hui, les mêmes dirigeants cherchent à s’en affranchir au moment de nous licencier, en sortant la carte de « l’actionnaire minoritaire », c’est inacceptable. Randstad ne peut pas se défaire de ses responsabilités parce que la situation ne l’arrange plus. » Matteo Nicolo, secrétaire du CSE de Monster France.
Des décisions à l’éthique contestable pour la fermeture de monster
Randstad communique depuis des années sur sa promesse “Human Forward”. Mais dans les faits, les salariés de Monster se retrouvent dépourvus face à cette fermeture, sans aucune perspective. Pire, c’est donc sur les fonds publics que Randstad se repose désormais pour penser remplir ses engagements.
Ce décalage est d’autant plus choquant que, dans le même temps :
- La direction de la joint-venture a récemment provisionné le versement de 1,2 million de dollars de “Transaction Award” à ses dirigeants pour mener à bien la vente et liquidation de la structure.
- Randstad a versé près de 5 millions d’euros pour un déblocage anticipé d’un dispositif actionnarial à destination des cadres dirigeants de Monster, lors du lancement de la joint venture en 2024.
« Aujourd’hui, aucun accompagnement équivalent n’est envisagé pour les collaborateurs licenciés. Personne ne conteste la légalité de ces opérations. Mais c’est leur manque total d’éthique qui indigne. » Matteo Nicolo, secrétaire du CSE de Monster France.
Est-ce devenu la norme, que des géants du secteur puissent abandonner des équipes entières en toute impunité ?
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L’appel à la responsabilité envers Randstad
Les représentants du personnel de Monster France ont récemment adressé une lettre officielle à Sander van’t Noordende, CEO de Randstad, sollicitant le respect des accords d’entreprise en vigueur pour les salariés qui seront prochainement privés d’emploi.
À ce jour, Randstad a transmis aux représentants du personnel une fin de non-recevoir. Le groupe évoque son récent statut d’actionnaire minoritaire (49%) pour justifier l’absence de soutien concret. Le coût de cette violente fermeture devra être assumé par les pouvoirs publics.
Les équipes de Monster France, mobilisées jusqu’au dernier jour pour soutenir les chercheurs d’emploi et leurs clients, espèrent désormais un geste de responsabilité de la part des actionnaires – en particulier de Randstad, qui en était propriétaire pendant près d’une décennie jusqu’en 2024 – afin de pouvoir quitter l’entreprise dans des conditions décentes.
un signal d’alerte pour tout le recrutement
Ce qui est légal n’est pas toujours éthique. Et dans cette affaire, le plus difficile n’est peut-être pas la fermeture elle-même, mais l’indifférence qui l’entoure.
C’est une page qui se tourne pour Monster, mais aussi pour tout l’écosystème du recrutement. Car au-delà des chiffres, ce sont des vies professionnelles qu’on efface sans ménagement.
Dénoncer ces pratiques, c’est refuser qu’elles se répètent.
Et cela commence par faire circuler l’information.


